La RSE est aujourd’hui omniprésente dans les discours des entreprises, des media, et des politiques…mais il est difficile d’en obtenir une définition claire et de se repérer dans la jungle des dispositifs mis en place depuis les années 2000. Le contrôle de gestion n’est bien évidemment pas en charge de la stratégie et des actions dans les domaines de la RSE. Mais étant au cœur du système d’information, son rôle est de rendre compte des résultats des actions en regard des objectifs. Et également d’alerter sur les risques.
D’après la Commission européenne, une entreprise « responsable » va au-delà des obligations juridiques, et investit dans le capital humain, l’environnement, et les relations avec ses parties prenantes (internes et externes). Ses actions et décisions ne doivent pas seulement être prises au regard des attentes des actionnaires, mais aussi au regard des impacts sur ces parties prenantes : environnement, société civile, salariés, partenaires…Quelles sont leurs attentes ? Quels sont les impacts des décisions de l’entreprise ? Comment sont pilotés les risques ? L’entreprise a-t-elle un comportement responsable, éthique, et une communication transparente ?
Sur tous ces sujets, les obligations en matière de reporting se sont développées au fil des années et il est important d’être méthodique.
La notion de RSE a évolué au fil du temps.
La RSE n’est pas une lubie de communication récente, mais une conception de la vie des affaires qui a évolué au fil du temps depuis le début de l’ère industrielle. En résumé, on est passé schématiquement par trois phases, et nous abordons peut-être une quatrième :
En France, le cadre réglementaire actuel s’inscrit dans :
L’avenir nous dira si nous abordons réellement une 4ème phase…ou si cette notion de « mission » restera au niveau des effets d’annonce…
Quels référentiels adopter ?
En matière de RSE de nombreuses questions se posent :
Nous ne les détaillons pas ici (fiche documentaire téléchargeable à venir dans ce site), mais une petite cartographie permet de les visualiser.
Le cadre institutionnel et réglementaire étant posé… comment organiser le reporting ?
Il est tout d’abord nécessaire de bien mesurer les enjeux stratégiques.
La RSE est passée du champ de la « communication » à celui de la stratégie. Cette dimension stratégique se lit à travers l’analyse et la cartographie des parties prenantes.
Comment définir les parties prenantes ?
Les parties prenantes sont des individus, des groupes d’individus ou des organisations (personnes physiques ou morales) , les ressources naturelles de l’environnement et de la planète :
Toutes ces parties prenantes ont des attentes, qu’il convient d’identifier. Quelques attentes génériques dans cette cartographie (à adapter au contexte, au secteur d’activité, au mode d’organisation et de gouvernance…) :
La démarche doit être structurée, et s’inscrire dans un dialogue construit avec chaque partie prenante :
La matrice de matérialité : un outil au service de la stratégie RSE
Les enjeux qui auront été identifiés et classés pourront être positionnés dans une matrice de matérialité[1]. Cette matrice, positionne les enjeux sur deux axes :
Ce qui permet de mettre en avant les enjeux prioritaires (dans le coin supérieur droit).
Le lecteur qui cherche une lecture concrète de cette approche théorique peut utilement se rapporter aux matrices de matérialité publiée par les entreprises, notamment dans les grands groupes. On les trouve sur leur site Internet, à des endroits variables : dans la DPEF (en finance), dans une partie RSE, dans un reporting intégré… Ainsi par exemple :
La question évidemment est : au-delà des déclamations et des communications dans les publications diverses…où en sont les actes ? C’est là que le reporting rentre en scène afin de rendre compte, et de passer de la déclaration à la preuve. C’est là aussi que le contrôle de gestion est sollicité.
[1] Méthode initialement préconisée par la plupart des référentiels liés à la RSE : le GRI, IIRC, AA1000. L’objectif est de sélectionner les enjeux et projets stratégiques les plus pertinents au regard des intérêts partagés de l’entreprise et de ses parties prenantes : développer les compétences des salariés, préserver les ressources naturelles, recycler…
La RSE a longtemps été le théatre d’une communication opportuniste, donnant à ses détracteurs des arguments pour taxer de « greenwashing » les publications RSE. Mais peu à peu, avec la prise de conscience des urgences climatiques, environnementales, sociales et sociétales, la communication laisse place à la réflexion stratégique.
Les obligations de reporting doivent donc refléter la « matérialité » des enjeux, leur pertinence. Les objectifs doivent être clairement définis, les risques identifiés, les actions explicitées, et les résultats prouvés.
En, 2010, la loi Grenelle 2 (loi n°2010-788 – Article 225 sur le reporting extra-financier) imposait à toutes les sociétés (cotées ou non) dépassant certains seuils d’effectifs ou de chiffre d’affaires de publier un certain nombre d’indicateurs sur chacun des volets : environnemental, social, sociétal. Ces informations relativement structurées étaient contrôlées par un OTI (organisme tiers indépendant) accrédité.
En 2017, la transposition française de la 4ème Directive Européenne[1] introduit un changement de paradigme. La DPEF ou « Déclaration de Performance Extra-Financière » exige la publication d’informations contextualisées, dans une logique : enjeux et risques, politiques, actions, résultats, KPI. Pas d’indicateurs obligatoires donc, mais un rapport qui doit être synthétique et pertinent.
Quelles sont les sociétés concernées ?
Dans le cas d’un groupe élaborant des comptes consolidés, la DPEF doit être élaboré au niveau du périmètre de consolidation. C’est à ce niveau que sont examinés les seuils d’éligibilité. Certaines formes juridiques sont exclues du dispositif : SAS et SARL (sauf établissements de crédit ou d’investissement, sociétés financières holding) , SCS, SCI, GIE, EPA, EPIC, associations et fondations, établissement de paiement et établissements de monnaie électronique). |
Quelle est la nature des informations à publier ? Selon l’article L 225-102-1 du Code de Commerce, la DPEF présente :
Ceci intègre :
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Comment les informations doivent-elles être structurées ? La société doit présenter :
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En 2019, les premières DPEF publiées ont donné lieu à des recommandations de l’AMF et de plusieurs cabinets d’audit [2].
En synthèse de ces études, quelques pistes pratiques pour construire ce rapport DPEF :
Quelles perspectives pour ce reporting RSE, et pour le contrôle de gestion ?
Le contrôle de gestion (sociale ou non) ne définit ni la statégie ni la gouvernance en matière de RSE, mais il est au cœur du système d’information et du système d’alerte. En tant que pilote de la performance, son rôle est donc important :
La crise économique liée à la pandémie de la Covid 19 risque d’ébranler les discours de façade sur la RSE. La méthodologie pronée par la DPEF est pourtant plus que jamais nécessaire pour évaluer les risques et les impacts des activités des entreprises. Mais comment celles-ci vont-elles s’en emparer dans les faits et dans la réalité ? Affaire à suivre…
[1] Ordonnance 2017-1180 . https://www.legifrance.gouv.fr/download/pdf?id=f99wQjMp9gyyCQrNzlwhtzvytpTEMRDHxfRZ7iYE1vA=
[2] AMF (Autorité des Marchés Financiers), 2019 : Rapport sur la responsabilité sociale, sociétale et environnementale des sociétés cotées.
Mazars, 2019 : Pratiques et tendances du reporting extra-financier en France.
Deloitte, Ernst & Young, Medef, 2019 : Déclaration de performance extra-financière, quel bilan tirer de la première année de mise en oeuvre ?
Ces trois études font elles même référence dans leurs recommandations à un rapport de Patrick de Cambourg (président de l’autorité des normes comptables) de mai 2019 : « Garantir la pertinence et la qualité de l’information extra-financière des entreprises : une ambition et un atout pour une Europe durable ».